Designer produit, spécialiste de l'univers du jouet et du mobilier pour enfant, Amel a travaillé pour les plus grandes marques du secteur et cumule les "best sellers". Elle intègre dans sa démarche les multiples contraintes et enjeux de ce secteur, de la psychologie enfantine à l'intégration des dimensions environnementales (éco-conception) en passant par une connaissance pointue de ce monde industriel. L'occasion ici de revenir sur son parcours et nous présenter quelques-uns de ses projets avec passion et pertinence.
Bonjour Amel, quelques mots sur ton parcours de designer ?
Je suis diplômé d’un BTS en design produit puis d’un Master qui m’a permis d’avoir une réflexion un peu plus globale sur la place du design et son intérêt pour notre société. Suite à mes études et notamment à des projets réalisés en BTS, j’ai eu envie de me spécialiser sur le domaine de l’enfance, c’est pourquoi j’ai effectué un stage chez Pandacraft, start-up qui réalise des kits ludiques mensuels pour les enfants. J’y ai pu découvrir le rôle de chef de projet en sélectionnant chaque mois la thématique à développer, puis en créant le contenu des kits autour de notions pédagogiques en lien avec l’actualité des enfants.
Dans un autre domaine, j’ai aussi passé 6 mois de stage comme ingénieur textile pour la marque Domyos de Decathlon où j’ai pu me former sur le suivi qualité et la gestion de la production avec des fournisseurs partout dans le monde.
J’ai ensuite eu une première expérience de designer intégrée chez Oxybul, éveil et jeux où j’ai pu créer plus de 100 jouets avec une approche centrée sur l’apprentissage ludique, la motricité. J’ai organisé également de nombreux entretiens (recherches utilisateurs) avec des parents et leurs enfants pour tester les concepts de jouets, vérifier leurs adéquations avec les cibles d’âges.
J’ai par la suite travaillé pour Chêne-Décors, entreprise partenaire de Leroy Merlin, spécialisée dans la création de produits en bois. J’y ai créé de nombreux produits de déco avec une forte valeur autour du "Do It Yourself" en collaboration étroite avec les usines et artisans.
Depuis 2021, je me suis lancée en tant que freelance en travaillant pour beaucoup de marques du monde du jeux et du mobilier pour enfant (Goki, Verbaudet, Édition Auzou), je réalise aussi du sourcing de fournisseurs.
Comment te définirais-tu en tant que designer ? Quelles sont tes forces, tes singularités ?
Ma singularité, je dirai que c’est mon hyper spécialisation car il y a très peu de designers qui sont spécialisés sur le monde du jouet. C’est une cible qui n'est pas évidente, il y a beaucoup de normes à respecter ce qui m’a permis de monter en compétence sur les sujets liés à la qualité. Je pense également que mes connaissances du monde industriel, de la relation fournisseur dans des mondes souvent très masculins est un atout.
Selon toi, qu'apporte le designer qui travaille avec d'autres fonctions clés d'une entreprise ?
Le designer peut amener un vrai échange, basé sur la pédagogie et le rapport humain pour faire passer simplement ses idées et se nourrir de ce que lui apportent les autres métiers.
Il a aussi cette capacité à proposer des solutions en accord avec les utilisateurs, les budgets, les enjeux écologiques… Faire cette synthèse et appuyer sur des points stratégiques, souvent invisibles ou considérer comme inutiles, pour convaincre. Par exemple, le design a permis de doubler le chiffre d’affaire de Chêne Décor ou de transformer de nombreux produits en "Best-seller" chez Oxybul, ce qui ne se serait pas passé si l'entreprise n’avait fait que revendre des produits d’autres marques.
Sur quels enjeux futurs le design et les designers pourraient-ils apporter des réponses ?
Il y a un vrai sujet sur l’aspect écologique et la réduction des déchets. Nous sommes capables de le faire maintenant donc il faut penser une production plus locale, dans un périmètre plus proche de la France pour réduire les longs trajets. J’ai beaucoup travaillé avec l’Inde, le Bangladesh, la Chine, l’empreinte carbone y est vraiment déplorable et, comme on l’a vu avec la crise du Covid, notre dépendance à ces pays a stoppé du jour au lendemain la production de nombreuses entreprises qui n’étaient plus livrées.
Il y a donc un vrai challenge de créer local sans pourtant faire des produits chers, amener une vraie intelligence créative pour penser le design, la conception de manière abordable. De nombreux nouveaux matériaux naturels sont aussi en train de se développer et mérite qu’on s’y intéresse et qu’on les intègre dans les processus de création et de production.
Pour finir, sur quel projet rêverais-tu de travailler ?
Un projet global qui me permettrait d’allier objet, mobilier, décoration dans une projet d’aménagement d’un magasin, d’un restaurant, d’ateliers pour enfant.
Focus sur 2 projets d'Amel :
1. Une horloge ludique pour apprendre l'heure, Oxybul
Quel était le contexte de ce projet ?
Oxybul se revendique comme une marque de jouets abordables qui se veut ludique, pédagogique en prônant la simplicité, la fonctionnalité avant tout.
L’idée de ce projet était donc d’aider les enfants à apprendre l’heure simplement. Le concept est venu de mon expérience personnelle, ayant eu moi-même quelques difficultés dans cet apprentissage.
Je me suis donc demandée comment apporter une manière différente d’apprendre l’heure ?
Comment as-tu répondu à cette problématique d'apprentissage ?
Pour y répondre, j’ai créé un jeu de manipulation à la manière d’un puzzle. Chacune des pièces sont numérotées de 1 à 12 et sont associées à 2 dés de 12 faces. L’enfant lance les 2 dés représentant les minutes et les heures puis il doit manipuler les aiguilles de l’horloge pour retranscrire l’heure associée. Dans une seconde phase, ce sont les parents qui indiquent une heure au hasard et l’enfant doit être capable de la déchiffrer.
Ce jeu permet ainsi de mettre en œuvre 2 modes différents d’apprentissage ludique en permettant aux enfants dès 3 ans de se familiariser avec la notion du temps. J’ai aussi travaillé sur une charte graphique, inspirée de l’arc-en-ciel, pour donner un aspect esthétique et sympathique à cette horloge.
C’est un produit qui plaît beaucoup avec de très bons retours et qui fait partie des meilleures ventes d’Oxybul.
2. Le Design global et le Do It Yourself en action pour Leroy Merlin
Peux-tu nous parler du contexte de ce projet et de Chêne-Décors ?
Chêne Décor est une filiale du groupe Tecsabois, entreprise de scierie et charpenterie en Sologne.
Historiquement, Chêne Décor est spécialisée dans la commercialisation d’éléments d’agencement à destination des magasins de bricolage. Depuis 2016, un nouvel axe de développement a été mis en place grâce au design avec l’ambition de concevoir des petits meubles et accessoires déco pour Leroy Merlin.
En effet, 90% des clients de Leroy Merlin sont des femmes, il fallait donc parler à cette clientèle en satisfaisant leurs besoins en terme de décoration.
Comment y avez-vous répondu ?
Pour y répondre, notre réflexion a été valoriser les déchets et chutes de bois des usines du groupe pour créer de nouveaux produits avec une valeur ajoutée.
En partant des différentes chutes calibrées que je pouvais récupérer, j’ai créé de nouvelles références de produits bruts (cubes, tourillon, etc.) pour ensuite les assembler et proposer de nouveaux produits sur la mode du "Do It Yourself". J’ai ensuite pu laisser libre court à mon imagination et créer des étagères, des portes crayons, des jardinières, des bancs, des tréteaux, des coffres de rangements, …
L’objectif de ces créations étaient de démocratiser le bricolage et le faire soi-même en s’adaptant à tous les niveaux. Pour ce faire, j’ai réalisé des fiche-tutoriels pour guider pas à pas ces montages.
J’ai ainsi réalisé plus de 150 produits qui sont finalement des pièces uniques mises directement en magasin comme exemple pour que les clients les reproduisent ensuite chez eux.
Cette réponse a donc amené de la vente additionnelle pour Leroy Merlin, de la création valeur par le design, des réalisations d’objets utiles et un supplément de confiance en soi pour les bricoleurs.
Pour donner de la cohérence, l’ensemble de ces objets étaient intégrés dans des ambiances complètes pour les mettre en scène et en action, mettre en avant l’écosystème local et éco-responsable du bois utilisé par Chêne-Décors et valoriser de façon vertueuse cette filière.
Ce fut donc un vrai projet de design global alliant design de produit, design d’espace et de service.
Amel a pu travailler récemment à 19 Hz en design studio sur le produit de la start-up MakeMyMusik, et continue de collaborer à leurs développements design.
Vous développez un produit, un jouet, un mobilier pour les enfants ? Amel est une perle rare qui pourra vous apporter des éléments stratégiques pour leur succès ! N'hésitez pas à déposer votre brief ici et on vous recontacte !
